mardi 25 mars 2008

Le "Marteau en mille morceaux" suite et fin

Voici donc, puisque d'autres textes dont venus étoffer la première série de commentaires, un petit texte que j'avais écris quelques temps après avoir réalisé cette oeuvre, quelque peu influencé par l'ouvrage que je venais juste de lire, à savoir: "Le corps de l'oeuvre" de Didier Anzieu... Maintenant, amusez-vous à le comparer avec les divers commentaires postés à l'époque (2007), c'est assez interressant...

TENTATIVE DE RESTITUTION DU PROCESSUS CREATIF.

SANS TITRE (Marteau N°1)Février 2006(24 x 18 cm) - Verre et impression numérique sur papier.

Même s’il s’agit d’une gageure et d’un exercice hautement périlleux, je vais tenter de mettre en mots le processus créatif d’une de mes oeuvres, depuis ses origines jusqu’ à la réalisation…
Je précise que je ne procède pas toujours de cette façon là, les moyens et les motivations qui mènent de l’expérience au ressenti, du ressenti à l’expression et de l’expression au résultat final empruntent souvent des chemins beaucoup plus sinueux…

J’ai choisi comme sujet d’étude, le nouveau travail que je viens d’achever ce matin même. Il m’a paru relativement aisé d’en cerner les contours et la « surface cachée de l’iceberg ».
Il s’agit d’une œuvre de petit format (24 x 18 cm) présentée dans le sens de la hauteur.
Elle est composée d’une image photographique retouchée de plusieurs manières à l’aide d’un logiciel infographique. Cette image représente un marteau au manche rouge vu de coté et posé sur un sol de béton grisâtre. La simplicité de cette image est contrebalancée par un fractionnement double : Une des deux épaisseurs de verre au dessus de l’image est en effet brisée par son centre, apparemment par un coup violent d’un instrument contondant, comme un marteau. La photo du marteau est elle-même découpée selon les lignes du verre brisé, créant un effet assez étrange, comme si le papier photo avait été brisé lui-même par le même coup violent, ou comme si c’était le marteau lui-même qui avait été brisé (peut-être par son propre coup ?). Chaque partie de l’image photographique est retravaillée d’une façon différente, avec parfois des couleurs inversées (manche bleu-vert par endroits) ce qui permet de briser la monotonie et la simplicité de l’image de départ. L’image est présentée plein cadre, entourée d’un cadre de plastique noir brillant, habitude que l’on trouve souvent dans mes travaux et que j’explique par une volonté de « faire » un effet de vitrail, mais avec la distance ironique que lui confère le plastique, matériau trivial s’il en est.


Commençons par le titre , qui n’en est pas un : « Sans titre (marteau N°1) ». Il s’agit d’une volonté appuyée de ne pas emmener le spectateur dans une direction précise et de le laisser totalement libre de toute interprétation, la force et la simplicité du propos devant se suffire à elle-même…
Si je me penche à présent sur l’origine de cette œuvre, ce qui en a motivé l’essence, je vais remonter à deux périodes de ma vie personnelle : L’enfance, présente dans mon travail de multiples façons et une période de crise (de « brisure ») qui s’est déroulée quelques temps avant la réalisation de l’œuvre et dont l’un des faits le plus symbolique est une fracture du pouce droit ayant entraîné l’impossibilité pour moi d’utiliser ma main droite, c'est-à-dire mon outil de travail N°1 pendant plus de 3 mois. Quand au rapport avec l’enfance, il s’agit aussi d’un acte qui symbolise un ressenti global : J’avais cette habitude, pour faire passer ma colère et ma frustration d’aller dans des décharges en plein air bordant mon village, d’y chercher des bouteilles de verre et, malgré toutes les mises en gardes de mes compagnons, pourtant pas en reste de « bêtises », de les briser violemment les unes contre les autres en les tenant par le col, acte désespéré, stupide, dangereux, inconscient ou « suicidaire » comme l’on voudra, mais en tout cas chargé d’énergie brute…

Tout ceci concerne la « matière première inconsciente » de l’œuvre, ce que je suis allé puiser dans des actes et des ressentis non dirigés par la raison, la culture et la réflexion.
Pour ce qui concerne cette partie-là : Réfléchie, élaborée et chargée de références à la culture, elle se partage en plusieurs strates :

Tout d’abord la place de ce travail au sein de ma production artistique : Elle est assez évidente et ne nécessite pas de longs développements. Ce travail suit de près un « autoportrait brisé » qui jouait sur les mêmes ressorts : Référence à l’art du vitrail, à Marcel DUCHAMP, au cubisme, entre autres. Toutes ces références ne sont pas forcément conscientes lors de la réalisation de l’œuvre, ce qui m’intéresse dans l’œuvre de chacun de ces artistes ou courants ou pratiques artistiques est assimilé depuis longtemps, de telle façon que je fais référence sans chercher à… Cela s’impose tout seul, même si en arriver là à été très long et à été en partie à l’origine de mon abandon de l’école des Beaux-arts au bout de la quatrième année, c'est-à-dire juste avant le diplôme…

Quant au « sens » que j’ai cherché à insuffler à ce travail (bien que l’image me soit apparue dans la tête AVANT sa signification, il y a toujours cet aller-retour du « ventre au cerveau et du cerveau au ventre», ou plutôt du ressenti au raisonné, je sens et j’analyse ce que je ressens ; J’analyse quelque chose et cet acte d’analyse provoque en moi des sensations… Les deux doivent idéalement aller de pair, c’est à mon sens ce qui fait qu’une idée mérite qu’on la réalise…) ce sens est à rattacher à mes lectures sur l’holocauste et la banalisation de la violence (Annah ARENDT, Primo-Levi entre autres…) et tourne autour de ce qui est devenu quasi une obsession pour moi : L’image du bourreau : Qui est le bourreau, qui peut potentiellement le devenir, qui l’est consciemment ou non ? Ceci étant parfaitement cohérent avec les deux sensations « non raisonnées » citées plus haut qui m’ont habité, je me devais de faire une œuvre très simple est très directe, en rapport avec la simplicité et la cohérence de ces données.
L’image du marteau, celui-là même que j’ai choisi pour « expulser » ma colère et ma frustration en brisant des sous-verre de porte photo, après que j’ai eu retrouvé l’usage de ma main droite, s’est imposé d’emblée…

Je compte beaucoup sur l’impact potentiel que possède ce travail pour « accrocher » le spectateur sans artifice de virtuosité ou de séduction chromatique. Un sous-verre brisé accroché au mur, même si la première réaction de nombreuses personnes sera sans doute « Tiens, l’artiste ne s’est même pas rendu compte qu’un sous-verre était brisé ! » devrait réussir à attirer l’attention. Ensuite, il devrait être amené assez naturellement, en fonction de son vécu à se poser une série de questions qui iront, je l’espère du moins, au-delà de considérations techniques du genre : « Mais comment est-ce que ça tient ? Comment a-t-il fait ça ? »
Qui a brisé le verre censé protéger la photo ? L’objet sur la photo lui-même ? Ce même objet ne ce serait-il pas lui-même brisé, ou est-ce le verre qui l’aurait coupé ainsi ? Qui est le bourreau et qui est la victime ? Autant de questions que j’espère amener les spectateurs à se poser, même si j’espère surtout qu’ils s’en poseront d’autres plus en rapport avec leur culture, leur vécu et leur propre ressenti…


Quant à l’ordre de réalisation, il est assez complexe, une œuvre en devenir passe souvent par des flashes, des réminiscences, des sortes de prémonitions, souvent relayées par la réflexion, qu’elle soit technique (« comment réaliser ça concrètement ?»), historique (« Qui aurait bien pu réaliser quelque chose d’avoisinant ? ») ou « scénique » (« Comment montrer sans montrer, faire comprendre sans annihiler toute autre forme d’interprétation ? Etc.)
Le temps de réalisation est sans doute bien que ça puisse paraître contradictoire et surprenant, la donnée la moins facilement analysable du processus. On me demande souvent le temps que je passe sur telle ou telle œuvre, ceci sans doute dû à leur aspect complexe, riche et parfois très détaillé.
Le temps qu’on passe n’est pas quantifiable, des mois, des années de réflexion autour d’une seule idée, des recherches plus ou moins « souterraines », des mois de maturation, des brouillons avortés, des difficultés d’ordre technique à résoudre mentalement… et puis le « déclic » qui va faire que parfois, en quelques jours, voire en quelques heures dans le cas notamment d’un petit format (certaines de mes toiles de grand format ont nécessités plusieurs mois de travail…), l’œuvre va apparaître.

Je pourrai dire encore d’autres choses sur ce processus, si j’étais philosophe de formation ou spécialiste en psychologie, mais ce n’est pas le cas, loin s’en faut… Il s’agit juste d’un témoignage « à chaud » que j’ai essayé de rendre de la façon la plus précise possible. Peut-être « beaucoup de bruit pour rien »…

34 commentaires:

Jean-Louis MAGNET a dit…

Promis, le prochain message sera beaucoup plus court ;)

Cécile a dit…

Masque de fer

Ne tient pas qui veut sa rage secrète
Sans diplomatie

René Char , Le marteau sans maître

Cet irrépressible besoin d'aller briser des bouteilles de façon kamikaze trouve dans les vers précédent un certain écho .

Depuis longtemps , ce titre "Le marteau sans maître " m'intrigue , est dans un coin de ma tête . L'oeuvre dont tu nous propose ici le processus de maturation , depuis que je l'ai vu , a pour moi une sorte de lien avec ce titre ...

Cécile a dit…

Postface de l'auteur en 1945

" Vers quelle mer enragée , ignorée même des poétes , pouvait bien s'en aller , aux environs de 1930 , ce fleuve mal aperçu qui coulait dans des terres où les accords de la fertilité déjà se mourraient , où l'allégorie de l'horreur commençait à se concrétiser , ce fleuve irradiant et énigmatique baptisé Marteau sans maître ? Vers l'hallucinate expérience de l'homme voué au Mal , de l'homme massacré et pourtant victorieux .

La clef du Marteau sans maître tourne dans la réalité pressentie des années 1937-1944 . Le premier rayon qu'elle délivre hésite entre l'imprécation du supplice et le magnifique amour .


Tout cela va , je crois , plus loin que la simple association de mots ... Non ?

Jean-Louis MAGNET a dit…

Le plus étonnant, c'est que je n'ai en deux ans, jamais fait le rapprochement avec ce titre énigmatique de mon poète favori, alors même que j'ai commencé l'an dernier une série de travaux dans lesquels je tente de rendre hommage à l'univers du grand Char...
J'ai dû être imprégné de son univers inconsciemment, comme quoi, c'est la preuve que l'auteur d'une oeuvre n'est lui-même conscient que d'une infime partie de ce qu'il "met" dans cette oeuvre...
Merci , Cécile, pour cette intuition !

Cécile a dit…

L'image du bourreau :

Archanges , Velibor Colic

Je me souviens avoir arrêté de lire Les Bienveillantes au moment où on pend des femmes tziganes aux corniches des immeubles ...

Après avoir commencé le début d'Archanges , j'ignore si je pourrais continuer ...

Je ne crois pas qu'il y ait de la complaisance pour l'innommable dans ces livres . Ils nous montrent juste comment la barbarie peut devenir ordinaire .

Il y a un côté salutaire à cet avertissement .
Cela pose le problème de la représentation du mal dans l'art et en particulier la littérature . Je m'étonne parfois de la réaction des gens qui se récrient en voyant dans ce type d'ouvrage une sorte d'encouragement à la barbarie . J'ai souvent envie de leur répondre que la littérature a aussi une fonction de représentation : l'humanité c'est aussi ça .
Après on peut préférer lire autre chose .
J'ai un souvenir des plus précis de la manière dont ma mère m'a rendu mon exemplaire des Bienveillantes alors qu'effet prix Goncourt oblige , elle avait tenu à ce que je le lui apporte , j'ai bien cru que j'allais devoir esquiver le volumineux opuscule en me jetant à terre ...
A bout d'arguments , j'ai fini par décliner toute responsabilité : après tout , je n'avais pas écrit ce livre - ouf ! j'ai échappé au reniement maternel ...

Pinux a dit…

C'est amusant, ce titre Le marteau sans maître me tourne souvent en tête, clignotant comme une enseigne lumineuse de pharmacie dans mon esprit... Une image lui a toujours été associée : ce marteau au bout du bras puissant du travailleur immense surplombant le monument présenté par les soviétiques lors de l'exposition universelle de 1937 à Paris.

Pinux a dit…

Concernant la longue maturation d'une œuvre, je suis entièrement d'accord avec toi : impossible de quantifier le temps passé sur un boulot ! Il y a un travail de fermentation et puis on peut laisser tomber un travail en cours, le reprendre bien plus tard. Je repense souvent à Bonnard qui avait été surpris par un gardien, dans un musée, en train de retoucher une de ses anciennes toiles ;-) C'est difficile pour le public de comprendre ça. Tout ton vécu peut s'immiscer dans une de tes créations, partant, ton travail peut subir de multiples métamorphoses au gré de tes humeurs, de ta météo intérieure.

Jean-Louis MAGNET a dit…

Je vois à quel "puissant marteau" tu fais allusion, pinux, et plus je vous lis (et j'en profite pour me relire aussi...) , plus j'ai envie de pousser d'un cran ce que j'ai amorcé avec ce marteau... J'ai depuis longtemps en cours des travaux qui font référence de façon beaucoup plus explicite à ce qui restera probablement l'image la plus forte de "notre cher 20ème siècle" pour citer une phrase de ton blog, pinux: la barbarie à échelle industrielle...
Sitôt après ces fleurs et ces fruits sur lesquels je m'échine en ce moment, je vais avoir besoin de changement et je pense que je vais retourner à cette série, en y intégrant ces images brisées et en essayant d'être plus direct. Il y a dans ce marteau un coté un peu "second degré" qui est en contradiction avec ça et donc l'été devrait donc voir naitre des choses plus sombres et plus dures. Vous êtes prévenus ! ;)

La question que tu poses, Cécile, est assez cruciale: Comment montrer, en notre époque où le spectaculaire domine sur tout le reste, les aspects les plus sombres de l'être humain sans tomber dans les pièges que tu évoques... Pas facile, mais à mon avis c'est un devoir que de le faire...

Jean-Louis MAGNET a dit…

Sur la maturation d'une oeuvre, il me semble qu'il y avait aussi certains spécialistes de la chose au 19ème siècle qui se faisaient virer des vernissages des salons , le pinceau à la main, retouchant encore un détail alors que le public commençait à entrer...
Turner, il me semble, mais aussi d'autres... Je suis sûr que pinux, "l'érudit-art" de service en connait quelques-uns...

Oui, le temps passé est totalement inquantifiable, telle toile qu'on a jugé finie à un moment peut nous paraitre à retravailler quelques années plus tard... C'est toujours la même chose: C'est entre ce qu'on voit, ce qu'on arrive pas à voir et ce qu'on voudrait que les autres voient, ou ce qu'on pense que les autres voient... Entre l'idée, la "prémonition" d'une oeuvre et le moment où on la donne à voir, ou à acheter, il s'en passe des choses !

Cécile a dit…

La question de la représentation du mal dans l'art ...

Les levées de bouclier qu'elle suscite révélent souvent une méconnaissance assez courante : le point de vue un peu naïf consistant à confondre l'art avec ce qui est toujours esthétique au sens de beau voire de joli .

Pour encore bon nombre de gens, l'art ça doit être toujours joli à regarder .
La dimension du questionnement est fréquemment éludée.
Que l'art soit aussi un moyen de faire réfléchir , s'interroger laisse certains incrédules ,souvent réticents notamment parce que cela implique de faire des efforts .
Un peu comme si on contraignait les gens à accrocher un Velicovic ou un Bacon dans leur salon ... avoir pour livre de chevet Les bienveillantes ...

Jean-Louis MAGNET a dit…

J'adhère à 110% à tes propos, Cécile... C'est quasiment mon combat quotidien que tu décris là...

PS: Nous pouvons tous constater que Cécile fait partie du 1% de gens n'ayant pas eu de formation artistique mais connaissant au moins un artiste vivant :)

Cécile a dit…

en plus de l'inénarrable Oui-oui que contre vents et marées je me refuse à étudier ... :))

Pinux a dit…

a dit: "ce qui restera probablement l'image la plus forte de "notre cher 20ème siècle" pour citer une phrase de ton blog, pinux: la barbarie à échelle industrielle..."
-->Heureusement, le XXe siècle nous a donné Duke Ellington, les Beatles ou Kandinsky... Grâce à des gens comme ça, le XXe siècle est mon cher XXe siècle.

paintblack a dit…

tu poste avec Word et tu fais copier/coller?


Avant de lire, je voyais une référence au Grand Verre de Duchamp (cassé par accident).

une remarque et une question si je peux me permettre: tu travaille souvent en fractionnant et curieusement ça n'altère jamais tes figures (autrement dit, tu reste lisible). Pourquoi?

wam a dit…

Intéressant de voir comment une œuvre peut avoir d’avis différents.

Je n’ai pas fait le rapprochement avec « le marteau sans maître », et même maintenant, je ne le vois pas du tout ainsi, sans doute que dans mon esprit le Marteau et le Maître sont confondus en une seule entité.

Je ne fais pas de parallèles avec des œuvres écrites, mais plutôt avec des œuvres picturales d’un artiste africain, Ludovic Fadaïro, et plus je regarde le Marteau plus je vois une association avec « Le Temple » et « Le sang des innocents »

Qui a eu le courage de lire « Les bienveillantes » jusqu’au bout ?
Il est dur, très dur, et je me suis posé la question, - comment se fait-il que personne n’a vu ou voulu voir ce qui se passait ? - je crois que pour en venir à bout, il faut le lire a des doses homéopathiques tellement il est violent, suscite des émotions diverses, fortes, contradictoires !

wam a dit…

Je pourrai dire encore d’autres choses sur ce processus, si j’étais philosophe de formation ou spécialiste en psychologie, mais ce n’est pas le cas, loin s’en faut… Il s’agit juste d’un témoignage « à chaud » que j’ai essayé de rendre de la façon le plus précis possible. Peut-être « beaucoup de bruit pour rien »

Ah ! Il y a du Shakespeare là dedans. :D

Assurément pas, je trouve au contraire que ce « bruit » est enrichissant, au travers de ton témoignage, beaucoup peuvent s’y retrouver !

Cécile a dit…

Les bienveillantes ou la ciguë à dose homéopathique ...

peut-être qu'un jour , pour répondre à ta question Wam , je finirai de lire ou que je relirai Les Bienveillantes( j'ai lu la deuxième moitié en diagonale - un peu comme quand tu regardes un film d'horreur , tu mets parfois la main devant tes yeux , tu coupes le son ) .

Diable de livre :
- écrit à la première personne , il présente déjà un sacré défi : l'identification .
D'ailleurs , les premiers mots du narrateur Aue, bourreau de son métier , sont :
" Frères humains "
et bien sûr , il imagine aussitôt que le lecteur voudra se dégager de cette fraternité indésirable ...
Il finit la première partie , l'introduction par : " Allons puisque je vous dis que je suis comme vous ."
Littel charge beaucoup la barque de son personnage car en plus d'être un bourreau , il est aussi incestueux jusqu'à la morbidité , parricide ... la lie de l'humanité à tel point d'ailleurs que lorsqu'il ne supervise pas les opérations ( il ne se salit concrètement les mains que très rarement )il passe son temps à déféquer , à se vider , à purger son corps de son immondice morale ...
Aue est un personnage peu ragoûtant , ce qui explique sans doute des réactions aussi violentes vis-à-vis du livre que celle de ma mère .

- et puis , il y a toute ces références à l'organisation de l'armée nazie, à l'appellation des différents services .
Beaucoup de critiques ont jugé cette méticulosité encombrante , moi la première . En y repensant , je me dis que cela fait partie intégrante du personnage , son côté technocrate , pour dire : " après tout , je ne faisais qu'un travail " .
D'ailleurs , tous les officiers qui dans la réalité ,ont été chargé comme le narrateur Aue ,de liquider les juifs , tziganes de l'Est , étaient tous diplômés , voire érudits .

Ce livre a peut-être pour fonction de ne pas être lu anodinement justement , et peut-être abandonné par ses lecteurs , voire jeté .

Il a un grand mérite : faire prendre conscience qu'Hitler et ses sbires n'étaient pas des extra-terrestres sanguinaires , mais des humains .
Primo Levi n'aurait peut-être pas apprécié qu'on fasse de l'holocauste un roman , une fiction , mais il ne dit pas autre chose lorsqu'il explique pourquoi il témoigne .Cette extermination méticuleusement organisée est sortie de cervaux humains .

Beaucoup ont décrié ce livre parce qu'ils ont jugé que ce sujet n'a pas à être oeuvre de fiction , écrit a fortiori par quelqu'un qui n'a pas été impliqué comme victime dans ces faits .

Dernièrement , j'ai trouvé un autre mérite à ce roman :
sur France 3 , il y a eu un long reportage sur l'extermination sommaire des juifs en Ukraine et Biélo-russie .
Un prêtre a entrepris de sillonner cette partie de l'Europe de l'Est pour recueillir les témoignages de ceux qui ,enfants ,avaient assisté à ces massacres et ensuite tenter de localiser le lieu des charniers . Le documentaire était intitulé "La shoah par balle " .
J'étais un peu étonnée que Simone Veille affirme qu'il s'agissait du premier documentaire réalisé sur ce sujet car j'avais vu en 1999 ou 2000 un documentaire La mort est un maître d'Allemagne sur Arte évoquant des exécutions sommaires en masse à l'Est .Ce qui était sans doute nouveau , c'était l'ampleur de ces massacres , leur étendue géographique .
Toujours est-il que Les bienveillantes évoquent ce sujet . Il n'a donc pas qu'une valeur de fiction .
On peut bien sûr préférer , sur ce sujet , les livres de Primo Levi ou le film de Claude Lanzmann , mais pour autant je crois que ce livre , si terrifiant soit-il , n'est pas illégitime ou complaisant .

Jean-Louis MAGNET a dit…

Il y a beaucoup de choses auxquelles répondre et sur lesquelles réagir, je vais m'y employer, en essayant, pour une fois, d'être succint... :)

Cécile, je te suis entièremment, même si je n'ai pas encore lu "les bienveillantes", sur la base fondamentale entre les écrits de Primo-Levi et ceux de Littel (voire d'Arrendt, il faut relire le "Eichmann à Jérusalem" mais aussi Mc Carthy lorsque le fils pose la question à son père: "On ne mangera jamais de chair humaine, nous, n'est-ce pas, papa ?"). Il y a un bourreau potentiel en chacun de nous et sans doute la barrière, ténue, qui nous empêche de basculer dans la barbarie s'appelle-t-elle lucidité et connaissance... "Celui qui ignore son passé est condamné à le revivre"... Ensuite, peut-on écrire de la poèsie et, encore pire: Un roman, après Auschwitz ? La question a été posée et pour moi, la réponse est oui: L'art peut ici jouer son rôle de gardien de la mémoire...

Jean-Louis MAGNET a dit…

pinux a dit:Heureusement, le XXe siècle nous a donné Duke Ellington, les Beatles ou Kandinsky... Grâce à des gens comme ça, le XXe siècle est mon cher XXe siècle. All you need is love... :)

paintblack a dit: Avant de lire, je voyais une référence au Grand Verre de Duchamp (cassé par accident).Bien vu ! Je parle d'ailleurs de Duchamp dans le texte... ;)

une remarque et une question si je peux me permettre: tu travaille souvent en fractionnant et curieusement ça n'altère jamais tes figures (autrement dit, tu reste lisible). Pourquoi?
Bien sûr que tu peux te permettre, ce blog sert à ça ! Ta question porte me semble-t-il sur le fait qu’à la différence des cubistes, mes formes restent intègres, alors que mes couleurs, non(en simplifiant)...
Pourquoi ce jeu sur la désintégration, pourquoi ne pas pousser la logique jusqu'au bout et tout désintégrer, comme (tu n'es pas le premier) on me l'a déjà suggéré ?

Parce qu'en dehors de l'aspect esthétique, je pense que ce n'est pas mon propos: J'ai envie de parler de tout ce qui nous traverse quotidiennement, toutes ces réalités juxtaposées:
Prend l’homme moderne, avec le développement des moyens de transport et de communication, sa vie est une succession d'univers, de dimensions différentes, or durant tous ces voyages, ces juxtapositions, son apparence restera parfaitement intègre…
C'est ça que j'essaie de rendre, de faire voir...
Tu peux maintenant me demander "pourquoi l'arbre et pas l'homme alors"
Comme je l'explique dans mon tout premier message, l'arbre pour moi est un reflet de l'humain...
Dans "Yggdrasill", tu as un grand tableau au fond de l'installation, eh bien, chacun des carrés montre un moment de la vie de l'arbre, chaque carré est une lumière du jour, une saison, une variation météorologique, tout ce qui fait l'arbre en fait, toute son expérience de la vie...
Et celà rejoint un objet sur lequel je travaille depuis déjà 4 ans, (une sorte de "work in progress", en quelque sorte): une chaise fragmentée dont chacune des parties montrera une des destinées possibles de cet objet: brulée, repeinte, vernie, couverte de poussière, brisée, etc.

Ceci dit, il est possible que l'on voie des contradictions, des incohérences dans mon travail, je le considère comme un constant travail de recherche et d'expérimentation, donc celà ne me gène pas...

Désolé, je n'ai encore pas pu faire court, j'espère au moins avoir répondu à ta question...

Jean-Louis MAGNET a dit…

Je répond maintenant à wam: Je trouve aussi cet échange de sensations et de points de vue passionnant et puis à mon avis, depuis Duchamp, une des questions de l'art est que le regard du spectateur est aussi ce qui fait l'oeuvre... Qui a "tort" ou "raison" dans ces différentes interprétations, impossible de le dire, celà met en jeu des vécus personnels, des expériences, des cultures différentes et je pense que c'est très bien ainsi, l'art doit fuir au maximum le "consensus mou"...
Sinon, je ne connais pas le travail de cet artiste africain dont tu parles, mais je vais me renseigner... Merci !

Cécile a dit…

Juste pour dire que depuis hier , je connais le nom d'un artiste contemporain de plus[:))] : Dani Karavan qui travaille avec des matériaux naturels , notamment le sable .
Dans l'interview , j'ai bien aimé la manière dont il expliquait qu'il devait veiller , à ce qu'une fois achevée , son oeuvre ait une vie autonome ; utilisant cette comparaison : " comme si un de mes enfants allait vivre au bout du monde "

Les infos sur arte ont cet intérêt de laisser le bling-bling de côté et on y découvre des tas de choses .

Cécile la béotienne qui s'accroche , un peu parfois dépassée par l'aspect quelquefois ardu de vos discussions d'artistes ( plusieurs des artistes et leurs oeuvres évoquées ici sont souvent pour moi de parfais inconnus - mais les découvertes sont le sel de la vie )

Jean-Louis MAGNET a dit…

Indeed !

J'aime aussi le travail de Karavan, il y avait un bon film sur lui que j'ai vu il y a environ 7 ans sur la 5, à une époque où je regardais encore la télé, du moins le dimanche matin lorsqu'il y avait des émissions (souvent passionnantes) sur les artistes...

wam a dit…

JLM a dit:
Dans "Yggdrasill", tu as un grand tableau au fond de l'installation, eh bien, chacun des carrés montre un moment de la vie de l'arbre, chaque carré est une lumière du jour, une saison, une variation météorologique, tout ce qui fait l'arbre en fait, toute son expérience de la vie...
oui mais on ne le voit pas bien, pas moyen de le voir en plus grand ici?

(j'adore la fleur que tu as mis au dessus de la photo! :) )

- JLM a dit: Il y a un bourreau potentiel en chacun de nous et sans doute la barrière, ténue, qui nous empêche de basculer dans la barbarie s'appelle-t-elle lucidité et connaissance... "Celui qui ignore son passé est condamné à le revivre"... Ensuite, peut-on écrire de la poèsie et, encore pire: Un roman, après Auschwitz ? La question a été posée et pour moi, la réponse est oui: L'art peut ici jouer son rôle de gardien de la mémoire...

je suis entièrement d'accord, sur cela seulement ceux qui ont perpétré les actes décrits dans les bienveillantes et notamment le personnage principal avaient ces connaissances, et une culture au dessus de la moyenne!

Cécile a dit: Cécile la béotienne qui s'accroche , un peu parfois dépassée par l'aspect quelquefois ardu de vos discussions d'artistes ( plusieurs des artistes et leurs oeuvres évoquées ici sont souvent pour moi de parfais inconnus - mais les découvertes sont le sel de la vie )
idem, la béotienne n°2 :) apprend beaucoup en vous lisant, d'ailleur je ne connais pas Dani Karavan, je vais me renseigner sur le champ :)

paintblack a dit…

si j'ai bien compris, le fond est victime des variations mais la forme elle, reste stoïque???

Ca me rappelle une chanson: soyons désinvoltes n'ayons l'air de rien

J’avoue que je ne te suis pas toujours Jean Louis, pour moi qui fais aussi un peu de peinture tout ceci reste bien mystérieux...

wam a dit…

Je pense que l'art doit garder un coté mystérieux, c'est ce qui fait sa magie :)
C’est comme tes photos, elles sont entourées d’une certaine aura :)

Jean-Louis MAGNET a dit…

wam, j'ai l'impression que tu as confondu pinux et paintblack, ce dernier n'ayant à ma connaissance jamais pris de cliché...
Ta remarque sur la culture et la barbarie est très juste et l'on sait qu'effectivemment certains bourreaux nazis étaient cultivés, esthètes, mélomanes...On pourrait même, à un moindre degré mais de façon tout aussi édifiante évoquer le cas de certains peintres futuristes tombés dans le fachisme... Oui mais... Ces nazis, aussi esthètes qu'ils aient pu être, ont violemment combattu les avant-gardes, tu as sans doute entendu parler de l'exposition sur "l'art dégénéré", l'art qu'ils aimaient était un art perçu comme dans le temps, un art apprécié comme une enveloppe vidée de sa substance, de son pouvoir subversif...
L'art seul n'est pas en lui-même un rempart contre la barbarie, mais l'humain qui cherche l'humain en l'art, lui peut se donner des armes pour ne jamais y tomber...

wam a dit…

oupssssssssss ..... effectivement :D j'ai confondu,
signe qu'il est temps pour moi d'aller rejoindre morphée :D

Oui mais... Ces nazis, aussi esthètes qu'ils aient pu être, ont violemment combattu les avant-gardes, tu as sans doute entendu parler de l'exposition sur "l'art dégénéré", l'art qu'ils aimaient était un art perçu comme dans le temps, un art apprécié comme une enveloppe vidée de sa substance, de son pouvoir subversif...
non je ne savais pas cela pour les nazis, je l'apprend!
tu vois quand je disais que j'apprenais plein de choses :)

Jean-Louis MAGNET a dit…

paintblack a dit: si j'ai bien compris, le fond est victime des variations mais la forme elle, reste stoïque???

Ca me rappelle une chanson: soyons désinvoltes n'ayons l'air de rien

J’avoue que je ne te suis pas toujours Jean Louis, pour moi qui fais aussi un peu de peinture tout ceci reste bien mystérieux...
*

Je souris en lisant ta phrase " moi qui fais un peu de peinture": Pour ceux qui ignorent mes rapports avec paintblack, je précise que ce modeste de nature était déjà peintre alors que je n'était que barbouilleur se cherchant et ne se trouvant pas, à quelques mètres l'un de l'autre, aux Beaux-Arts...

Pour répondre à ta question, je vois la fragmentation comme un moyen de glisser quelque chose, un regard, des questions, entre les interstices qu'il y a entre mes petits bouts de papiers...

Pense à la série des "cathédrales" de Monet: La cathédrale reste la même, mais la lumière elle se retrouve transcrite par le pinceau avec ses milliers de variations tout au long de la journée... Ce que faisait Monet en plusieurs toiles, j'essaie de le faire en une seule, parce qu'aussi entre temps des gens comme Hockney ou Rouan sont passés par là et que j'essaie de dire, de montrer autre chose... J'essaie peut-être de parler de notre époque, où non seulement on n'a plus le temps de passer une journée entière devant une cathédrale, mais en plus dans ce même temps, on est bombardé de milliers d'informations de toutes sortes, avec les portables, internet, on est transporté à vitesse grand "v" dans plusieurs univers différents et j'essaie simplement de montrer ça à ma manière , parce que pour reprendre ta citation: "je ne sais faire que ça"...

Suis-je plus clair ? Parlons-nous le même langage ou alors y a-t-il une conception radicalement différente et irréconciliable (malgré toute l'estime et l'amitié qu'il y a entre nous) de la peinture ? (pour autant que je fasse de la peinture... En fais-je seulement ?)

Jean-Louis MAGNET a dit…

wam, dans l'exposition sur "l'art dégénéré", les nazis avaient assemblé pèle-mêle tout ce qui ne correspondaient pas à leur vision du beau et qui fondamentalement remettait en question leurs théories insensées de pureté, de grandeur, de force virile: Art abstrait, expressionisme, etc...

Je parierais sans avoir lu le livre, que ce personnage d'Auer lisait Goethe et écoutait Wagner... Qui furent des artificiers en leur temps, mais qui eurent bien le temps d'être digérés, édulcorés, asseptisés ...

Sinon, pour ta confusion, ça ira pour cette fois, mais n'y revenez-pas ! ;) Et bonne nuit !

Jean-Louis MAGNET a dit…

J'ajouterais que je vous remercie tous de faire vivre ce blog ( et de quelle manière ! ) par vos remarques plus que pertinentes et enrichissantes...

paintblack a dit…

jusqu'au bout de la nuit j'aime: TITIEN, VELASQUEZ, REMBRANDT, toute la peinture du XXVII, GOYA, PICASSO, BECKMANN, GIOTTO, BACON...j'ai toujours eu beaucoup de mal avec l'éclectisme en art, c'est surement ce qui nous diffère...à bientôt

Jean-Louis MAGNET a dit…

Tu dis "eclectisme", tu aurais tout aussi bien pu dire "dispersion", car c'est bien le revers de la médaille lorsqu'on est comme moi un fureteur, un touche-à-tout, curieux et ouvert peut-être, mais aussi qui a du mal à se tenir à une ligne directrice... Et je pense que ça transpire dans mon travail: Ces efforts pour rassembler ce qui a été dispersé, par exemple.
Mais je pense assumer ce que je suis (et qui nous différencie, tu as certainement raison) et je fais avec, j'essaie même de faire le meilleur possible... Je n'arrive pas à m'arrêter en me disant : "C'est ça ! J'ai trouvé ce que je vais faire une bonne fois pour toutes !" comme certains étudiants des Beaux-Arts de 4 ème ou 5ème année qui me stupéfiaient parce qu'ils avaient adopté une fois pour toutes un format, une technique, un discours... Je considère que je me cherche encore et je crois que ce sera ainsi jusqu'à mon dernier souffle... C'est une force et une faiblesse sans doute en même temps...

wam a dit…

JLM a dit :
wam, dans l'exposition sur "l'art dégénéré", les nazis avaient assemblé pèle-mêle tout ce qui ne correspondaient pas à leur vision du beau et qui fondamentalement remettait en question leurs théories insensées de pureté, de grandeur, de force virile: Art abstrait, expressionisme, etc...


J’ai vu cela aujourd’hui, et vais continuer à me documenter !

Je parierais sans avoir lu le livre, que ce personnage d'Auer lisait Goethe et écoutait Wagner... Qui furent des artificiers en leur temps, mais qui eurent bien le temps d'être digérés, édulcorés, asseptisés ...

J’ai relu certains passages et il semblerait que ses préférences allaient vers Schopenhauer, Eckhart, Sophocle et pour la musique, Rameau et Couperin !
Je n’ai pas tout relu non plus, il est vrai que ce livre est tellement riche en « témoignages » sur les atrocités commises que j’ai placé l’aspect « culturel » du personnage en second plan !
Vu sa culture générale, il est fort probable qu’un tel personnage ait pu écouter du Wagner ou lu Goethe ! Cela Collerait parfaitement à son profil.

Sinon, pour ta confusion, ça ira pour cette fois, mais n'y revenez-pas ! ;) Et bonne nuit !

Vous êtes trop bon cher maître ! :D

Paintblack a dit :
jusqu'au bout de la nuit j'aime: TITIEN, VELASQUEZ, REMBRANDT, toute la peinture du XXVII, GOYA, PICASSO, BECKMANN, GIOTTO, BACON...j'ai toujours eu beaucoup de mal avec l'éclectisme en art, c'est surement ce qui nous diffère...à bientôt


Je confonds toujours Le Titien et le Tintoret !

JLM a dit :
Je n'arrive pas à m'arrêter en me disant : "C'est ça ! J'ai trouvé ce que je vais faire une bonne fois pour toutes !" comme certains étudiants des Beaux-Arts de 4 ème ou 5ème année qui me stupéfiaient parce qu'ils avaient adopté une fois pour toutes un format, une technique, un discours... Je considère que je me cherche encore et je crois que ce sera ainsi jusqu'à mon dernier souffle... C'est une force et une faiblesse sans doute en même temps...


Une faiblesse je ne crois pas, une force certainement, le fait de chercher, d’explorer de nouveaux domaines est très enrichissant en soi !
C’est à cause de cette curiosité qui nous pousse toujours à aller au-delà de ce qu’on fait, d’essayer autre chose qu’on avance, et qu’on acquiert un bagage personnel et culturel !
Et pas seulement dans le domaine de l’art !

Cécile a dit…

Eclectisme ...

L'important , il me semble , c'est d'avoir fait le tour de soi , de connaître ses limites , voire ce qui peut apparaître comme des faiblesses , de s'appuyer sur elles pour être soi , justement , ne pas aller contre son être profond , non ?
La vie de Prévert- que d'aucuns présentent comme une sorte de fumiste adepte de la facilité - m'a toujours paru une sacrée ( qu'il me pardonne cet adjectif ) belle vie de touche à tout .

Moi aussi je suis souvent admirative des gens qui ont cette faculté à se trouver tout de suite .C'est bien pour eux .
En même temps , je redoute plus que tout cette question :
" s'il devait rester un livre , un auteur , une musique , un tableau lequel ? "
J'éprouve déjà les pires difficultés à me choisir un livre à emporter pour le week-end ... alors :))

Et puis , je suis convaincu que pour les êtres atteints d'eclectisme , de dispersion et qui parfois confinent à l'hétéroclite , il y a - bien caché sans doute - un souténement des plus solides . C'est amusant , passionnant de le chercher ...