mardi 25 mars 2008

Le "Marteau en mille morceaux" suite et fin

Voici donc, puisque d'autres textes dont venus étoffer la première série de commentaires, un petit texte que j'avais écris quelques temps après avoir réalisé cette oeuvre, quelque peu influencé par l'ouvrage que je venais juste de lire, à savoir: "Le corps de l'oeuvre" de Didier Anzieu... Maintenant, amusez-vous à le comparer avec les divers commentaires postés à l'époque (2007), c'est assez interressant...

TENTATIVE DE RESTITUTION DU PROCESSUS CREATIF.

SANS TITRE (Marteau N°1)Février 2006(24 x 18 cm) - Verre et impression numérique sur papier.

Même s’il s’agit d’une gageure et d’un exercice hautement périlleux, je vais tenter de mettre en mots le processus créatif d’une de mes oeuvres, depuis ses origines jusqu’ à la réalisation…
Je précise que je ne procède pas toujours de cette façon là, les moyens et les motivations qui mènent de l’expérience au ressenti, du ressenti à l’expression et de l’expression au résultat final empruntent souvent des chemins beaucoup plus sinueux…

J’ai choisi comme sujet d’étude, le nouveau travail que je viens d’achever ce matin même. Il m’a paru relativement aisé d’en cerner les contours et la « surface cachée de l’iceberg ».
Il s’agit d’une œuvre de petit format (24 x 18 cm) présentée dans le sens de la hauteur.
Elle est composée d’une image photographique retouchée de plusieurs manières à l’aide d’un logiciel infographique. Cette image représente un marteau au manche rouge vu de coté et posé sur un sol de béton grisâtre. La simplicité de cette image est contrebalancée par un fractionnement double : Une des deux épaisseurs de verre au dessus de l’image est en effet brisée par son centre, apparemment par un coup violent d’un instrument contondant, comme un marteau. La photo du marteau est elle-même découpée selon les lignes du verre brisé, créant un effet assez étrange, comme si le papier photo avait été brisé lui-même par le même coup violent, ou comme si c’était le marteau lui-même qui avait été brisé (peut-être par son propre coup ?). Chaque partie de l’image photographique est retravaillée d’une façon différente, avec parfois des couleurs inversées (manche bleu-vert par endroits) ce qui permet de briser la monotonie et la simplicité de l’image de départ. L’image est présentée plein cadre, entourée d’un cadre de plastique noir brillant, habitude que l’on trouve souvent dans mes travaux et que j’explique par une volonté de « faire » un effet de vitrail, mais avec la distance ironique que lui confère le plastique, matériau trivial s’il en est.


Commençons par le titre , qui n’en est pas un : « Sans titre (marteau N°1) ». Il s’agit d’une volonté appuyée de ne pas emmener le spectateur dans une direction précise et de le laisser totalement libre de toute interprétation, la force et la simplicité du propos devant se suffire à elle-même…
Si je me penche à présent sur l’origine de cette œuvre, ce qui en a motivé l’essence, je vais remonter à deux périodes de ma vie personnelle : L’enfance, présente dans mon travail de multiples façons et une période de crise (de « brisure ») qui s’est déroulée quelques temps avant la réalisation de l’œuvre et dont l’un des faits le plus symbolique est une fracture du pouce droit ayant entraîné l’impossibilité pour moi d’utiliser ma main droite, c'est-à-dire mon outil de travail N°1 pendant plus de 3 mois. Quand au rapport avec l’enfance, il s’agit aussi d’un acte qui symbolise un ressenti global : J’avais cette habitude, pour faire passer ma colère et ma frustration d’aller dans des décharges en plein air bordant mon village, d’y chercher des bouteilles de verre et, malgré toutes les mises en gardes de mes compagnons, pourtant pas en reste de « bêtises », de les briser violemment les unes contre les autres en les tenant par le col, acte désespéré, stupide, dangereux, inconscient ou « suicidaire » comme l’on voudra, mais en tout cas chargé d’énergie brute…

Tout ceci concerne la « matière première inconsciente » de l’œuvre, ce que je suis allé puiser dans des actes et des ressentis non dirigés par la raison, la culture et la réflexion.
Pour ce qui concerne cette partie-là : Réfléchie, élaborée et chargée de références à la culture, elle se partage en plusieurs strates :

Tout d’abord la place de ce travail au sein de ma production artistique : Elle est assez évidente et ne nécessite pas de longs développements. Ce travail suit de près un « autoportrait brisé » qui jouait sur les mêmes ressorts : Référence à l’art du vitrail, à Marcel DUCHAMP, au cubisme, entre autres. Toutes ces références ne sont pas forcément conscientes lors de la réalisation de l’œuvre, ce qui m’intéresse dans l’œuvre de chacun de ces artistes ou courants ou pratiques artistiques est assimilé depuis longtemps, de telle façon que je fais référence sans chercher à… Cela s’impose tout seul, même si en arriver là à été très long et à été en partie à l’origine de mon abandon de l’école des Beaux-arts au bout de la quatrième année, c'est-à-dire juste avant le diplôme…

Quant au « sens » que j’ai cherché à insuffler à ce travail (bien que l’image me soit apparue dans la tête AVANT sa signification, il y a toujours cet aller-retour du « ventre au cerveau et du cerveau au ventre», ou plutôt du ressenti au raisonné, je sens et j’analyse ce que je ressens ; J’analyse quelque chose et cet acte d’analyse provoque en moi des sensations… Les deux doivent idéalement aller de pair, c’est à mon sens ce qui fait qu’une idée mérite qu’on la réalise…) ce sens est à rattacher à mes lectures sur l’holocauste et la banalisation de la violence (Annah ARENDT, Primo-Levi entre autres…) et tourne autour de ce qui est devenu quasi une obsession pour moi : L’image du bourreau : Qui est le bourreau, qui peut potentiellement le devenir, qui l’est consciemment ou non ? Ceci étant parfaitement cohérent avec les deux sensations « non raisonnées » citées plus haut qui m’ont habité, je me devais de faire une œuvre très simple est très directe, en rapport avec la simplicité et la cohérence de ces données.
L’image du marteau, celui-là même que j’ai choisi pour « expulser » ma colère et ma frustration en brisant des sous-verre de porte photo, après que j’ai eu retrouvé l’usage de ma main droite, s’est imposé d’emblée…

Je compte beaucoup sur l’impact potentiel que possède ce travail pour « accrocher » le spectateur sans artifice de virtuosité ou de séduction chromatique. Un sous-verre brisé accroché au mur, même si la première réaction de nombreuses personnes sera sans doute « Tiens, l’artiste ne s’est même pas rendu compte qu’un sous-verre était brisé ! » devrait réussir à attirer l’attention. Ensuite, il devrait être amené assez naturellement, en fonction de son vécu à se poser une série de questions qui iront, je l’espère du moins, au-delà de considérations techniques du genre : « Mais comment est-ce que ça tient ? Comment a-t-il fait ça ? »
Qui a brisé le verre censé protéger la photo ? L’objet sur la photo lui-même ? Ce même objet ne ce serait-il pas lui-même brisé, ou est-ce le verre qui l’aurait coupé ainsi ? Qui est le bourreau et qui est la victime ? Autant de questions que j’espère amener les spectateurs à se poser, même si j’espère surtout qu’ils s’en poseront d’autres plus en rapport avec leur culture, leur vécu et leur propre ressenti…


Quant à l’ordre de réalisation, il est assez complexe, une œuvre en devenir passe souvent par des flashes, des réminiscences, des sortes de prémonitions, souvent relayées par la réflexion, qu’elle soit technique (« comment réaliser ça concrètement ?»), historique (« Qui aurait bien pu réaliser quelque chose d’avoisinant ? ») ou « scénique » (« Comment montrer sans montrer, faire comprendre sans annihiler toute autre forme d’interprétation ? Etc.)
Le temps de réalisation est sans doute bien que ça puisse paraître contradictoire et surprenant, la donnée la moins facilement analysable du processus. On me demande souvent le temps que je passe sur telle ou telle œuvre, ceci sans doute dû à leur aspect complexe, riche et parfois très détaillé.
Le temps qu’on passe n’est pas quantifiable, des mois, des années de réflexion autour d’une seule idée, des recherches plus ou moins « souterraines », des mois de maturation, des brouillons avortés, des difficultés d’ordre technique à résoudre mentalement… et puis le « déclic » qui va faire que parfois, en quelques jours, voire en quelques heures dans le cas notamment d’un petit format (certaines de mes toiles de grand format ont nécessités plusieurs mois de travail…), l’œuvre va apparaître.

Je pourrai dire encore d’autres choses sur ce processus, si j’étais philosophe de formation ou spécialiste en psychologie, mais ce n’est pas le cas, loin s’en faut… Il s’agit juste d’un témoignage « à chaud » que j’ai essayé de rendre de la façon la plus précise possible. Peut-être « beaucoup de bruit pour rien »…

dimanche 16 mars 2008

Yaël TAUTAVEL sur scène

Ce week-end, j'ai assisté à la première représentation (je vous tiendrai au courant pour les suivantes) de la pièce "Yaël Tautavel" au théatre de Cusset (o3) par la troupe Réglisse-Menthe Théatre et j'ai eu le plaisir de découvrir les décors sur lesquels j'avais travaillé cet hiver (après quelques ultimes retouches) enfin montés et mis en scène.
J'ai pu rencontrer et parler avec l'auteur qui a dissipé mes doutes sur le fait de savoir si j'avais su respecter l'esprit de sa pièce. ( Pièce que je conseille à tous, de 7 à 777 ans, comme "Fréderic" dans le sujet suivant...)
Voici donc quelques images toutes "chaudes"...